Parvenir jusqu'à toi, un chemin de croix. Les détours innombrables de mes sentiments et de ton côté, toujours, cette amitié intarissable, rédemptrice, cet amour paisible, lent et patient, interminable. Ton amour comme une procession silencieuse et indifférente, et mon amour pour toi, lui, station après station, plus lourd à porter parce que plus chargé de lumière, de ta lumière.

Appel d'air sans air, pèlerinage sans foi, raison sans logique : l'aveuglement de mon cœur ébloui, l'acharnement de tout mon être à faire ce chemin vers un « toi » chargé d'idéal. Tu es mon Compostelle, le voyage unique à faire de ma vie, un « toi » qui n'existe pas puisque ton amour reste inaccessible, impossible. T'aimer est un chemin sans fin qui n'aurait jamais du commencer. L'emprunter, traverser mon désert intérieur. Tous les jours quarante jours dans le désert. S'engager dans un pèlerinage amoureux et douloureux à la fois, dans le rêve que quelque chose est à trouver, à conquérir, à toucher. Au bout du chemin ? Certainement pas toi telle que j'aurais voulu t'aimer. Non, au bout du chemin comme au bout d'un tunnel interminable, néanmoins la lumière. Une lumière offerte par toi mon amour, mais tellement peu chargée de ton amour…

Au bout du chemin, un amour qui n'est plus toi, qui n'est plus moi, comme si tu n'avais servi que de révélateur, de guide, et que, arrivé près du but, près de toi, tu disparaissais de mon cœur et de tout ce que j'avais pu espérer, rêver, laissant place à quelque chose de plus beau encore, de plus fort et de plus grand…

Réaliser qu'au delà de toi, mon amour pour toi ne t'aimait pas. Réaliser que mon amour n'avait besoin ni de toi, ni de ton amour pour moi. Réaliser que nos amours séparés et sourds avaient en fait toujours été confondus. Que vouloir les regarder comme séparés était l'illusion. Nos cœurs battaient depuis toujours d'une énergie puisée à la même source, et c'était la seule chose à découvrir. Vouloir autre chose, vouloir soi-disant nous rapprocher, nous aimer, fusionner, n'était qu'égoïsme insensé, n'était au contraire que séparation, dualité, désamour. Pardonne-moi mon amour de t'avoir toujours aimé et de ne l'avoir jamais su assez…


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Pierre Juste, "Clairières amoureuses"
oeuvre déposée
http://pierre.juste.free.fr