Elle tend ses bras dans le noir et à tâtons le cherche, Lui, en vain. Chercher en dehors, ce qu'on ne peut trouver qu'en soi. C'est un soir que la lune ne parvient pas à éclairer, une nuit où rien ne se couche et surtout pas ses rêves. Elle voudrait que la nuit l'apaise, et que ses rêves les plus chers, elle les rêve. Elle tend ses bras espérant en vain trouver le cou tant chéri auquel pour une fois elle demanderait asile. « Ils annoncent du gros temps, permettez-moi de me mettre au port, bord à bord avec vous, bien amarrée ». Mais rien, personne pour la serrer tout contre et lui dire que tout ça n'est qu'un passage, l'instant où tout s'écroule avant de se reconstruire.
Je ne suis pas là pour t'envelopper de ma présence, juste ça. Je n'aurais sans doute pas dit un mot, parce que je respecte infiniment ces moments de désarroi, et parce qu'il faut apprendre à les vivre. Je t'aurai accompagné silencieusement dans tes pleurs, dans l'expression de tes doutes, de ton espoir amputé, infirme. Je n'aurai d'ailleurs rien su dire, rien su faire sinon justement n'être que « là ».
Solitude. L'isolement qui est cette sensation écorchée d'être séparée de tout et de soi en particulier. Cela ne t' arrive pas souvent d'avoir le cafard. Ce soir, sans raison particulière c'était venu. Et quand c'est là comme sur le seuil de notre porte il est déjà trop tard…
Puis, le jour nouveau. L'orage était passé. Nous sommes demain, nous sommes aujourd'hui. Tu reprends les choses où tu les as laissées la veille et c'est un peu ta main que tu reprends. Te donner la main est la seule chose que j'aurai peut-être pu « faire », le seul mouvement parmi celui des planètes qui m'aurait paru avoir un sens, et ce n'était pas possible puisque nous étions séparés. Nous deux séparés l'un de l'autre comme nous pouvons parfois l'être de nous-mêmes… Et je me rends compte que bien souvent il me manque sur l'épaule une main qui pourrait bien être la tienne. Fantaisie mentale ? Qu'importe puisque parfois ta voix parvient jusqu'à mon cœur et que tout à l'heure je l'ai sentie délivrée : ta parole comme ayant posé son fardeau de la veille. Une voix fraîche, apaisée presque. Et celle-là me pénétrait aussitôt, allant résonner par les canaux de mon corps, jusqu'à mon cœur, toutes vannes ouvertes… Noël était presque là et tu me disais combien cet événement t'était délicat. Non pas délicat comme une attention ou un cadeau, mais plutôt comme une figure imposée, et un peu douloureuse. Il me venait par tes mots un peu de nostalgie, sentiment que cette fête de toute façon ravive toujours en moi. J'aurai voulu t'en parler mais quelque chose m'avait retenu. Un ciel étonné de se trouver bleu et qui reconduisait à la porte les quelques nuages bourgeonnant. « On ne veut pas de vous ici. Ne venez pas gâcher la fête ».
Elle parlait et j'avais l'impression de ne rien devoir dire. De ne rien devoir faire. Et je ne m'étais même pas rendu compte que ce faisant je venais de replier le bras et de poser ma main sur mon épaule…
Pierre Juste, "Clairières amoureuses"
oeuvre déposée
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