« Tu sauves ma vie tous les jours » : la voyant rayonnante et apaisée, cette pensée simple m'était venue.  C'était une évidence : mes jours avaient besoin d'être éclairés par sa présence. Présence physique, présence dans mon esprit. Un jour cette femme m'avait ouvert son cœur, et c'est comme si la grâce de Dieu m'avait touchée. Depuis mon existence était transfigurée. Sans le savoir elle m'avait sauvé la vie… Elle était devenue mon icône, et cette courte phrase un mantra de vie que je pouvais réciter à tout instant de la journée. Une parole dite au présent, miraculeuse, renouvelée chaque matin, me réveillant : « tu sauves ma vie tous les jours ».

Parole dite au temps qui passe, au silence. Ebloui par la beauté d'une autre femme, baissant les yeux ; chaviré par le rire d'un enfant m'ayant invité dans son jeu ; à la fin d'une journée trop longue, lisant sur la terrasse encore ensoleillée un livre cher : « tu sauves ma vie tous les jours »…

Car tu es là dans un coin de ma tête, assoupie dans un angle arrondi de mon cœur. L'image que j'y garde de toi, la seule évocation de ton nom, et voilà que cette journée n'est plus à jeter aux orties. Quoi qu'il s'y passe, quoi qu'il ne s'y passe pas, te savoir vivante, existante, donne un sens à ce jour, et quand bien même tu serais morte, le justifierait encore...  Et peu importe en fait à qui j'adresse ces quelques mots, à toi mon amour, au hasard, au destin, ou à quelqu'un de plus grand encore. Ils sont ma prière, ma foi mise en verbe, ils sont l'amour que j'ai en moi, l'amour que je reçois, ils sont ma naissance et ma mort, ma raison de vivre, ils sont l'argument de mon cœur, battement après battement, comme des pas faits l'un après l'autre sur le long chemin qui m'éloigne de toi…





Pierre Juste, "Clairières amoureuses"
oeuvre déposée
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